| Août 1996, parution de "F." de Damien Rocour et Michel Squarci. Premier véritable album publié par La 5eCouche, F. est un chef d'œuvre de narration et de cohérence, qui mêle allègrement dessin, photographie, graphisme et texte. F. divise les lecteurs entre ceux qui estiment que " ce n'est pas de la bd " (et qui ajoutent souvent qu'on " n'a pas le droit de faire ça à la bd ") et ceux qui proclament que voilà enfin " une bande dessinée qui exploite les possibilités narratives du genre ". Aux premiers, nous répondons simplement : l'intention des auteurs n'était ni de faire " une bd ", ni de la déconstruire complètement (encore que la déconstruction fait partie des préoccupations d'un auteur) mais de mener un récit avec tous les moyens adéquats possibles. En d'autre termes : que cela soit de la bd ou non n'a aucune espèce d'importance. C'est. Et c'est tant mieux. Puisque leur média de prédilection (donc le mieux maîtrisé) était la bande dessinée, c'est celui-là qu'ils ont naturellement choisi, et pas le xylophone. La réalisation de F. fut une véritable saga (que Damien devrait raconter). Au départ, il y avait un cauchemar de Damien Rocour. Il s'affairait alors aux préparatifs du mariage d'une de ses sœurs. Au cours du rêve, il lui est apparu progressivement que ce n'était pas sa sœur qui allait se marier, mais lui. Avec une certaine " Alexandra ". A cette époque, Damien ne connaissait pas la moindre Alexandra. Michel Squarci proposa son aide pour l'écriture et la mise en place du dispositif narratif. Ils décidèrent d'élaborer deux trames narratives parallèles, l'une racontant les préparatifs et la quête de l'élue, l'autre présentant une discussion technique et éthique, apparemment sans lien avec la première, entre un apprenti photographe et son professeur. Damien voulut naturellement intituler l'ouvrage " A. ", ou " Alexandra ", mais sa future femme, rencontrée entre-temps, Alexandra, comme de juste et comme le rêve, s'y opposa. Damien choisit donc " F. ", comme " femme " et comme " Françoise ", sa future belle-maman. Cette collusion étrange de la réalité que vivait l'un des auteurs, de son rêve et de l'élaboration du livre rendit tout compliqué. Tout dut être réécrit trois fois. La parution prit plus d'un an et demi de retard, mais le livre pu être présenté et le vrai mariage eut lieu, quelques mois plus tard. |