| DE NOMBREUX LECTEURS le guettent chaque semaine, et s’en réjouissent à l’avance comme on se réjouit d’un bon tour façon Robin des bois, d’un coup de patte qui met dans le mille, d’une injustice réparée : depuis plus de trente ans, dans le Canard enchaîné, le dessinateur Cardon exécute d’un trait les puissants et les faux-culs du jour, d’une manière qui n’appartient qu’à lui : il les dessine de dos.
Leurs bobines, a-t-il décidé un jour, je les ai assez vues ! Du coup il se contente de leurs épaules, d’une nuque, d’un profil à peine esquissé mais qui suffisent largement, maîtrise du trait oblige, à les reconnaître.
Et hop ! D’un coup de plume, les voilà dégonflés comme baudruches, voilà mis à nu le ridicule de leurs postures et l’enflure de leurs mots. Cardon traite en effet ce retournement drôlatique d’une façon très singulière, qui mêle poésie féroce, esthétique sans complaisance et brutalité intellectuelle. Sous sa plume défilent ici toute une ribambelle de jean-foutre, politiciens (Giscard, Mitterrand, Raffarin, Chirac, Sarkozy, etc.), pédégés suffisants, nationalistes corses, barbus islamistes, etc. Un album vengeur et méchant. |