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Sandman
Réalisé par cubik, didi, june, MR_Claude, petitboulet et Smiley_Bone.


A l'occasion de la sortie de la saison des brumes, volume 4 (mais premier tome chez Delcourt) de la série Sandman, écrite par Neil Gaiman, nous avons eu envie soit de découvrir soit de donner envie de lire cette série, précédée d'une grosse réputation. Comment l'aborder, à quoi s'attendre?...


  • Le point de vue du néophyte.
    C’est à moi que ce rôle échoit, avant de participer je ne connaissais rien de Gaiman et de son univers. En plus de La saison des brumes, je me suis également procuré les deux premiers volumes parus au Téméraire, que je vais lire juste après ce tome 4, afin d’essayer de juger des difficultés ou non à rentrer dans cette œuvre par le tome 4.
    Ce que je sais de Sandman et Neil Gaiman ? Peu de choses, si ce n’est la réputation de grand densité que peut avoir l’œuvre, son côté culte auprès de certains lecteurs, le côté très littéraire de Gaiman, également romancier… Je sais aussi que les premières avntures sont réputées pour ne pas être les plus accessibles, j’ai quand même, pris par la curiosité, rapidement feuilleté les volumes du Téméraire, moi, ça semble me plaire et ça me semble surtout très riche, et inédit dans la manière et dans les thèmes.
    Et puis Sandman, pour ce que j’en sais, a pour personnage principal le maître du Royaume des Rêves, que les membres de sa famille ont pour nom Desire, Death, Destiny,… Des noms évocateurs qui laissent entrevoir de nombreux développements.
    Une série « adulte », riche, complexe, fouillée, littéraire, ayant pour cadre général le monde du rêve, et un auteur quasi-culte, rien que cela suffit à aiguiser ma curiosité !… (MR_Claude)


  • Le point de vue des connaisseurs:
    Morphée, le Marchand de Sable, Lord Shaper, Dream... L'Infini, maître des rêves a porté bien des noms à travers les siècles. Accueillant tous les êtres vivants pour une visite dans son royaume qu'il dirige sans cruauté mais également sans remords. Au cours des 75 épisodes de la série Sandman, réunis en 10 volumes, on apprend les épisodes importants de la vie de cet être, en particulier dans le dernier siècle. On apprend également qui sont les Infinis, cette famille d'êtres plus vieux que le temps, plus puissants que les dieux, mais également plus assujettis à leurs devoirs que quiconque.
    Au cours de ces 10 volumes, on apprend comment ces puissances supérieures sont intervenues dans la vie de hommes, et des autres vivants, au cours des siècles.
    On apprend comment Dream sera capturé par un humain pendant plus d'un demi-siècle, puis se libèrera. On apprendra ses aventures avec des femmes de tous horizons, princesse, muse, déesse... On rencontrera les habitants du royaume des rêves, aussi bien les cauchemars que les premiers rêves comme Eve ou Abel & Cain, ainsi que les lieux capables de se personnifier. On verra comment se gère un royaume qu'on pourrait croire imaginaire, et également les relations avec les différentes puissances existantes comme dans le tome 4, où Dream "hérite" du royaume des Enfers. Les histoires racontées dans cette série sont trop nombreuses et trop diversifiées pour faire ici un inventaire exhaustif.
    Aujourd'hui, Sandman revient enfin en version française. Après 4 tomes reprenant les 2 premiers tomes américains chez feu Le Téméraire, c'est Delcourt qui se décide à éditer cette série onirique. Et ils se lancent dans l'aventure en commençant directement au tome 4. Les raisons de l'éditeur sont qu'il ne veut pas flouer les possesseurs des premiers volumes parus au Téméraire. Il y a également le problème de l'accessibilité. Le scénariste, Neil Gaiman, véritable chef d'orchestre de la série, avait utilisé, bien avant les séries telles que le décalogue ou le triangle secret, le fait de changer de dessinateur régulièrement. Ainsi, chaque épisode est dessiné par un auteur différent. Ce qui fait dire à l'éditeur français que les premiers épisodes sont moins accessibles graphiquement, ce qui n'est pas totalement faux. Qui plus est, ce tome 4 peut se lire relativement indépendament. On regrettera tout de même cette décision, tant les épisodes se renvoient les uns aux autres et la série formant vraiment un ensemble cohérent.
    En tout cas, cette série est à lire absolument. Du fait du sujet onirique suffisament large pour permettre toutes sortes de thèmes et de traitement de l'histoire, et également toutes les folies les plus bizarres, la série part vraiment dans toutes les directions. S'ennuyer en lisant Sandman est difficile. D'autant plus que malgré cette dispersion, Gaiman met également en place un schéma global sur la totalité de la série. Et ce schéma est loin d'être compliqué, puisqu'il s'agit juste de la vie de ce personnage, et de ceux qui l'entourent et qui l'approchet.
    Je conseille donc vraiment cette série à tous les amateurs d'histoires bizarres mais intéressantes, comme seuls les rêves peuvent l'être. Un must!


  • Les différents dessinateurs:
    Sandman est une série qui se caractérise par l'utilisation de moult dessinateurs. Néanmoins sept dessinateurs auront marqué la série :

    - Sam Kieth est le premier à avoir illustré Sandman. Son style nerveux tout-terrain, lui permettant d'alterner des planches très fouillées avec des planches bien plus minimalistes, a donné le ton à la série, marquant les dessinateurs qui lui succèderont. Keith a été marqué par cette expérience, vu que ses travaux postérieurs réalisés en solo (the Maxx, Zero Girl, Ashley Wood, voir même son Wolverine/Hulk) ont pour thème récurrent des adolescents confrontés à des univers oniriques souvent très angoissants.

    - Jill Thompson est aussi connue pour son travail sur The Invisibles (notamment l'immense saga of the She-Male) avec Grant Morrison, qui dit d'ailleurs que c'est grâce à elle s'il a pu terminer cette série. Son style expérimental lui vaut d'être très à l'aise pour dessiner des limbes inquiétantes ou évoluent de mystérieuses créatures issues de la même faune que les chimères. Récemment elle a sorti un manga (avec un style très « magical girl ») sur Death qui est un bon complément à la Saison des Brumes.

    - Mike Dringenberg, peut-être celui dont le trait cerne le mieux la fragilité humaine, a la particularité de résider en France, et de se consacrer plus à la peinture et à l'illustration qu'à la bande dessinée. Mais cela ne l'a pas empêché de remplacer au pied levé Sam Kieth sur Sandman, lorsque celui-ci a quitté la série.

    - Michael Zulli est un artiste assez rare, sur les étalages de comics. Son style mélange de baroque et de gothique est évidemment très adapté aux histoires à costumes - telles Witchcraft écrites par James Robinson et ayant comme protagonistes les trois Parques vues dans Sandman - ou alors des atmosphères un peu plus freakies comme Alice Cooper's Last Temptation où l'on retrouve Neal Gaiman au scénario.

    - Marc Hempel s'est essayé (dès la fin des 70's) à de nombreuses séries, tendance flop ("Breathtaker" déjà chez DC/Vertigo, "Blood of the Innocent" chez Warp Graphics...) avant de trouver sa voie (humour irrévérencieux, à tendance "je pointe du doigt les malaises de ma société...", graphisme très cartoonesque), notamment avec sa série culte "Gregory" (Piranha Press). Si ses travaux strictement personnels ont toujours été d'influence cartoon, humour compris, il a toujours mis à contribution ses talents graphiques pluri-disciplinaires lorsqu'il s'agissait de travailler pour d'autres auteurs/séries, en signant une dizaine d'episodes de Sandman (l'arc "The Kindly Ones", n° 57 à 69), il a prouvé qu'il pouvait être un grand illustrateur expressioniste barré, au sens bd du terme, malgré les restrictions inhérentes aux gros éditeurs, à l'époque du moins. Il brille désormais de manière plus discrète sur des titres comme l'hilarant "Tug & Buster" (dont le dernier numéro commence a dater...), ou son strip online hebdomadaire "Naked Brain". Hempel est toujours aux cotés de son vieux compère Mark Wheatley au sein de leur petit label, Insight Studios, ou ils ne cessent de progresser en trainant au passage une ribambelle d'artistes.

    - Charles Vess: Charles Vess est le dessinateur par antonomase des mondes féériques. Il a déjà collaboré avec Neil Gaiman sur Stardust (enfin c'est lui qui signe les planches de la version Illustrée) et sur Books of Magic. Son trait aérien, naïf, et léger, mais parfois malicieux, emmène le lecteur dans des univers à la magie omniprésente, de la reine des Fées au plus petit brin d'herbe. Il a également dessiné pour Jeff Smith, le spécial Bone consacré à Rose ainsi qu'un recueil d'illustrations sur des ballades et autres contres folkloriques anglo-saxons (Ballades et Sagas).

    - Kelley Jones, au style très expressif, est un spécialiste des histoires d'horreurs, infernales ou non. Il a collaboré à Batman (notamment une trilogie voyant comme protagoniste un Batman-Vampire) et à Crusades, série ayant comme héros un croisé du moyen-âge venant apporter la rédemption aux âmes perdues de San Francisco.

    Sinon à noter quand même la présence d'artistes confirmés du comic-book pour un ou deux épisodes comme Bachalo (les deux mini-séries Death, traduites par le Téméraire), PC Russel et son style très art-déco, Matt Wagner (Grendel et surtout Sandman Mystery Theatre) ainsi que les peintres G. Pratt (Batman, Wolverine : Netsuke, Ennemy Ace), JJ Muth (Wolverine/Havok : Meltdown, Moonshadow) ainsi que le très expressioniste Teddy Kristiansen (House of Secrets, Grendel).

    Enfin en dépit du fait que Sandman utilise moult dessinateurs suivant l'évolution de l'histoire, la série garde une certaine unité graphique grâce aux couvertures toutes plus belles les unes que les autres, signées Dave McKean. Le style expérimental, riche en collages et autres techniques picturales, de McKean est d'ailleurs idéal pour représenter la dimension onirique de Sandman. Car le dessin surréaliste de McKean est un peu comme un rêve, sujet à de multiples interprétations et laissant moult portes ouvertes... (bon là j’en fais un peu trop, je sais :o))) ). A noter aussi que McKean et Gaiman sont indissociables. Les romans de Gaiman étant souvent illustrés par une couverture de McKean, et Gaiman n'hésite pas à se fendre de quelques conseils sur les oeuvres solo du dessinateur (voir Cages).



  • Pour s’y retrouver dans les publications:
    L’édition américaine de Sandman comporte 75 épisodes regroupées en 10 volumes. Sandman a connu une première édition malheureusement avortée avant la fin de la publication. 4 Tomes ont été publiées au Téméraire, les deux premiers forment le premier volume américain (épisodes #1 à #8), les deux suivants formant le deuxième volume américain (épisodes #9 à #16), d’où la numérotation bulledairienne un peu étrange :o)
    Delcourt commence la publication au tome 4 américain (épisodes #21 à #28), les prochaines publications étant un hors-série, puis une reprise dans l’ordre chronologique annoncée pour mai pour le premier volume américain, puis septembre pour le deuxième, et ainsi de suite en reprenant les volumes américains, à raison d’un par trimestre, si tout va bien.
    Espérons qu’ils s’y tiennent !




Pour en savoir plus avant la lecture

  • Le site de Neil Gaiman, tenu par l'auteur, des infos, un journal...


  • Quelques autres bandes dessinées écrites par Neil Gaiman
    - Orchidée Noire
    - Mr Punch
    - Le jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges
    - Harlequin Valentine
    - Des loups dans les murs
    - Les mystères du meurtre
    - Death, la soeur ainée de Sandman.


  • Quelques romans de Neil Gaiman
    Si l'on pense Gaiman, on pense Sandman... il ne faut pas cependant négliger une énorme partie de son oeuvre, romanesque celle-là. Et elle n'est pas des moindres. On retrouve des romans, des histoires pour enfants (et même grands enfants), des nouvelles, qui montrent sa polyvalence.

    - "Neverwhere raconte l'histoire d'un homme qui tombe entre les mailles de la société pour avoir simplement été humain. Richard Mayhew a une vie très tranquille et très normale. Il a un job rasoir, une petite amie exigeante et une vie tout ce qu'il y a de plus banale. Un soir, alors qu'il sort avec sa petite amie, il vient en aide à une jeune fille qui semble totalement décalée. Et sa vie bascule. Peu à peu, les gens ont de plus en plus de mal à le voir, jusqu'à l'ignorer totalement. Porte, la jeune fille qu'il a sauvé lui vient alors à son tour en aide en lui faisant découvrir le "Londres d'en bas". Ce Londres là est constitué de tous les perdus, les exclus d'en haut mais également toutes sortes de créatures et de pouvoirs dont on limite généralement l'existence aux contes de fées.
    Dit comme ça, le scénario semble assez proche de Midnight Nation, mais le roman lui est antérieur. De même que le Londres d'en bas rappelle un peu le monde des sorciers d'Harry Potter, mais là encore, il lui est antérieur.
    Dans ce roman, Gaiman s'amuse allègrement à créer un monde en complet décalage avec le quotidien. Ce monde est très proche et en même temps difficile à rejoindre et encore plus à quitter. En tout cas j'ai beaucoup aimé son style tout en finesse, son histoire tout en décalage, ses personnages tout en souvenirs d'enfance et symboles. Un conte, pas vraiment pour enfants, mais très agréable à lire." (cubik)

    "Neverwhere, un de ses plus anciens romans, prend place à Londres. La vie de Richard, employé tout ce qu'il y a de plus basique, fiancé, vire au cauchemar total le jour où il secourt une jolie demoiselle répondant au doux nom de .. Porte. Sa fiancée le quitte, plus personne ne le connait. Dès ce moment, il découvre un autre Londres, parallèle, où un certain marquis de Carrabas cache son âme dans un endroit des plus insolites, où les anges réservent quelquefois des surprises. Bref, tout un imaginaire délirant se déploie, et on ne peut que s'en réjouir. A savoir que le roman a été adapté en téléfilm par la BBC (apparemment inédit en France)." (didi)

    "Pour Neverwhere, moi ce qui m'a frappé ce n'est pas que le monde d'en bas ressemble à Harry Potter, mais clairement à Alice. Ca saute vraiment aux yeux, je trouve, mais bon, Harry Potter a un gros coté "alice" aussi. d'ailleurs le nombre d'allusions à alice dans Neverwhere est assez impressionnant. On se retrouve dans Neverwhere dans un monde d'en dessous avec des règles précises, qui paraissent absurdes au commun des mortels, avec son lot d'explications fumeuses ou tout simplement éludées parce que "c'est comme ca" (qui decide de l'emplacement du marché flottant par exemple). La différence est que les aventures d'Alice n'ont aucune implication dans l'autre monde, alors que celles de richard si: Richard se balade toujours dans Londres après tout. C'est en cela que le rêve contient la realité chez Gaiman: Richard voit pleinement les choses quand il fait partie du Londres d'En Bas, les deux Londres, alors que sa vision est tronquée quand il est En Haut." (petitboulet)

    -Stardust, annoncé comme un "roman pour adolescents"(sic), se veut un véritable conte de fée. Tout commence au village de Wall, en Angleterre, où un jeune homme se laisse séduire par une étrange créature... et trouve un jour un bébé devant sa porte! Le bébé en question, devenu grand, se lance par amour dans une quête qui le mène à travers le pays de Faerie, de l'autre côté de la barrière (toujours ce thème gaimanien de la frontière). Le tout écrit dans un slenldide style archaïsant, comme l'étaient les contes de fées de l'époque victorienne. (didi)



    -Dans un tout autre genre, American Gods, prix Hugo, prend une dimension plus importante. En effet les immigrants de toutes les nationalités, en arrivant aux Etats-Unis, ont amené avec eux tout leur Panthéon, de Thor aux Leprechauns. Or ils sont actuellement évincés par les dieux modernes, Télévision, Autoroute... Donc nous assistons à une bataille de dieux et demi-dieux (ça ne vous rappelle rien?), à travers le regard d'ombre, fraîchement sorti de taule, mais qui réserve quelques surpises. On retrouve donc, à l'instar de Sandman, de divines prises de bec, qui laissent parfois les mortels un peu à côté de la plaque. (didi)

    -On ne peut négliger son recueil de nouvelles, Smoke and Mirrors (Miroirs et Fumée), où l'on retrouve de tout, des anges, encore et toujours, qui sont très fortement semblables à ceux qui gardent l'Enfer du Sandman, des trolls sous des ponts, des grand-mères qui disparaissent, et, petit bijou du recueil, une version de Blanche Neige, dans laquelle on donne (enfin) la parole à la belle-mère.

    -En attendant de lire Des loups dans les murs en Français, on ne peut que conseiller de lire ses oeuvres pour enfants. Coraline, digne héritière d'Alice, se trouve confrontée à d'étranges parents aux yeux de boutons, qui l'aiment et veulent la garder avec eux pour toujours... ce serait un conte de fées partant tout d'un coup du côté de Tim Burton. Le jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges, nettement moins effrayant, illustré par Mc Kean, comme Coraline d'ailleurs, donne un délire improbable, comme l'annonce le titre qui résume d'ailleurs l'histoire!!

    -A signaler également, "De bons présages" (Good Omens), co-écrit avec Terry Pratchett ("les annales du disque-monde"), et "Angels and visitations" (non traduit).



  • Les thèmes:
    - La magie:
    La magie présente chez Gaiman est avant tout un faire-valoir des personnages et de leur évolution, et un goût certain pour l'ésotérisme (mais soft, hein!!). La magie semble être partout dans l'univers de Neil Gaiman. Il s'agit sans doute possible d'un trait commun emprunté à son maitre et ami, Alan Moore, lui-même magicien (!).
    La magie remplit tous les vides laissés par la vie, pour s'immiscer jusque dans notre quotidien. Il ne s'agit pas toujours d'une magie grandiloquente utilisant renfort d'effets spéciaux ou de paillettes. Il s'agit plus d'une magie ordinaire, presque banale, comme de la superstition. Elle n'en demeure pas moins puissante. Dans Sandman, elle permet même de tenir les Infinis à distance, voire même de les emprisonner. Qui plus est, elle suit une certaine logique, bizarre certes, mais une logique tout de même. Dans Harlequin Valentine, un déjeuner un peu bizarre permet de se débarasser d'un petit plaisantin. Et le fait de manger un coeur paraît finalement assez logique quand on sait que ce plaisantin est un Harlequin cherchant sa Valentine, qui ne cherche donc qu'à se faire prendre le coeur. La magie, dans le monde de Neil Gaiman, fait vraiment partie de la vie. Même si elle n'est pas clairement annoncée, on la sent présente jusque dans ses contes pour enfants, comme Le jour où j'ai échangé mon père contre 2 poissons rouges. Pour connaitre le monde magique de Neil Gaiman, je ne peux que conseiller la lecture de Books of Magic, malheureusement disponible uniquement en vo, où le jeune Timothy Hunter, archétype d’Harry Potter avant l'heure, reçoit un aperçu de ce qu'est la magie.

    - La réutilisation des mythes et la cohérence:
    Une des marques de fabrique de Neil Gaiman est l'utilisation de mythes et personnages déjà existant, aussi bien dans la culture populaire que dans les cartons des éditeurs qui le publient. C'est là encore un trait qu'il partage avec Alan Moore. Qui plus est, cela est pafaitement cohérent avec le personnage de Sandman. Qui mieux qu'un personnage incarnant le rêve depuis la nuit des temps peut aborder et expliquer les mythes inventés au cours des siècles? Ainsi, on verra apparaître dans les pages de la série des personnages de mythes africains, grecs, britanniques, japonais, nordiques, chrétiens, etc. Etant universel et intemporel, le royaume des rêves permet de visiter et revisiter les légendes de toutes les cultures et de toutes les époques. Gaiman se permet même d'en créer de nouveau impossible à connaître autrement, tel le mythe des chats dominant la terre. Il se permet également de récupérer et d'intégrer de façon récurrente des personnages populaires telle Eve ou les 3 dames, présentes sous différentes formes dans la plupart des mythes occidentaux (les Parques grecques…). Mais comme ces personnages existent souvent depuis longtemps, il essaye à chaque fois de revenir à leur première incarnation, épluchée de tout attribut romancé ou édulcoré dont les siècles peuvent parer les mythes. Là dessus, il ajoute une flopée de personnages oubliés par son éditeur qu'il va dénicher, toujours dans la lignée d'Alan Moore, dans les cartons de son éditeur. C'est ainsi qu'apparaitront des personnages oubliés tels que Cain & Abel, l'Orchidée Noire, ou le premier Sandman. Il les extirpe des débarras où ils étaient rangés depuis des années, les polit et les place comme des pierres indispensables à son édifice. Car c'est bien un édifice que batît ainsi Neil Gaiman. Chacune de ses séries se déroulent dans un univers cohérent avec celui de ses autres oeuvres. C'est pour cela que depuis le début, je parle de L'univers de Neil Gaiman, et pas de ses univers. Son oeuvre pourrait paraître tentaculaire à sa façon de partir dans tous les sens. Elle est en fait extrêmement cohérente. Ce qui permet d'ailleurs à l'auteur de faire apparaître les personnages d'une de ses séries dans les autres. Le tout forme ainsi un ensemble cohérent dont les parties peuvent vivre indépendament mais se soutiennent néanmoins les unes les autres. Un peu comme une famille.

    - la famille:
    Dans l'univers de Neil Gaiman, la famille tient une place importante. Ce n'est pas toujours une famille très orthodoxe. Il s'agit parfois de la famille qu'on se choisit, parfois de celle dont on hérite. Mais elle est toujours très présente sous une forme où une autre.
    Dans Sandman, Dream a pour ainsi dire, 2 familles. Il y a celle liée à son rôle et à ses responsabilité, celle des Infinis. Tout comme ses responsabilités, il ne juge pas cette famille, elle existe, c'est tout. Et s'il a de l'affection pour celle qui est presque sa jumelle, Death, les autres ne lui font quasiment ressentir qu'indifférence (Destiny, Despair), ennui (Delirium), voire agacement (Desire). Cela est sans doute dû au fait qu'en plus d'être des parents, les Infinis agissent sur sa vie, du fait de leurs responsabilités et leurs rôles respectifs. D'ailleurs, dès qu'il s'agit de parents dont la puissance n'influe pas sur sa vie, tel son fils Orphée, on a l'impression que Dream agit plus par responsabilité que par affection. A coté de cette famille du sang, Dream s'est quasiment entouré d'une autre famille constituée en fait de sujets proches, tels que Cain & Abel, Eve ou Matthew, un humain devenu corbeau au royaume des rêves. Bien sur, il demeure leur souverain et n'hésite pas à leur rappeler. Mais c'est parmi eux que Dream se confie le plus, qu'il le choisisse ou pas d'ailleurs.
    Ainsi, tous les personnages de Gaiman cherchent à se constituer une famille de l'Orchidée Noire qui cherche ses semblables, au petit garçon qui a échangé son père contre des poissons rouges. Dans ses romans, on retrouve cette notion également dans Neverwhere où le "héros" n'a finalement aucun mal à quitter sa vie pour suivre sa nouvelle famille qui lui est littéralement tombée dessus.
    Peu importe la forme et les composantes de celle ci, la famille est le cocon à constituer dans toutes les histoires de Gaiman.

    - La destinée:
    Dans l'oeuvre de Gaiman, les choses n'arrivent pas par hasard. Nous sommes tous soumis à la destinée, écrite depuis la nuit des temps. Elle est incarnée dans Sandman par le plus ancien des Infinis, Destiny. Celui-ci est enchainé à son livre, le livre des destinées. Il en est à la fois le rédacteur et le lecteur, à croire que sa main écrit à son insu. Il est le premier des Infinis, laissant penser que la destinée, la vie et la mort de toute chose, ont été écrites avant même leur création. Cela rend inéluctable tout évènement, même lorsque Destiny lui-même les annonce en lisant son livre. Tout le monde, y compris les Infinis, sont soumis à sa destinée.
    Ainsi, l'Harlequin se fera prendre son coeur par sa Valentine. Ainsi, le jeune Timothy Hunter voit son avenir tracé dans l'univers de la magie. Mais c'est dans l'univers de Sandman que cette inélucatibilité se fera le plus sentir. En effet, déjà personnifiée par Destiny, la constance des destinées humaines et autres sera appuyée par la présence récurrentes d'augures et autres médiums, telles les 3 dames.

    - L'onirisme : symbolique, mondes parallèles et contes:
    Comment parler de Neil Gaiman et de son Sandman sans évoquer l'onirisme. Il aime bien évoquer cette partie de l'inconscient humain qu'est le rêve. Bien sur, cela est poussé à son paroxysme dans Sandman puisqu'il est le maitre des rêves. Mais cela apparait également dans le reste de son oeuvre. L'intérêt principal que représentent les rêves pour Gaiman est leur portée symbolique. Très porté sur les allusions, métaphores et autres icones, il peut jouer avec à sa guise dans l'univers des rêves qui ne sont en général que symboles. Ainsi, on peut par exemple retrouver sous différentes formes et dans ses différentes oeuvres les notions de frontières ou des symboliques mathématiques (le chiffre 3 notamment). Il partage encore une fois cette facette de son travail avec Alan Moore qui manie également les symboles avec brio, le plus souvent pour leur coté ésotérique.
    Il existe deux mondes chez Gaiman. Le premier est celui de la réalité, qu'il décrit en général fade, terne, ennuyeuse, effrayante parfois, mais ne présentant dans tous les cas qu'assez peu d'interêt.
    Le deuxième se révèle foisonnant, haut en couleurs, extrèmement diversifié et désordonné.C'est le monde de l'imaginaire, séparé en général du réel par une frontière ténue: dans Mr Punch, cette frontière est celle du spectacle de marionnettes, dans Neverwhere il s'agit d'innombrables portes, trouant la réalité comme du gruyère, laissant l'imaginaire accaparer ses temples les plus visibles parfois (le marché flottant qui se tient chez Harrod's, le plus grand magasin de Londres). Dans Sandman, cette frontière est celle du sommeil, chez les humains: l'abandon du sommeil ouvre l'homme à un monde de possibilités infinies.
    Dans tous les cas, quand les personnages de Gaiman se trouvent dans l'univers imaginaire, qu'ils découvrent toutes les possibilités, les richesses que ce monde a à leur offrir, et le comparent avec l'endroit d'où ils viennent, leur vie antérieure leur paraît dénuée de sens, moins rassurante, moins riche en opportunités, en couleurs. Quand on voyage dans la vie réelle, le monde imaginaire est invisible. Quand on passe de l'autre côté de la porte, notre perception s'élève d'un cran, nous pouvons appréhender le monde de manière bien plus complète: chez Gaiman, l'imagination contient la réalité et non l'inverse.
    Cet univers du rêve, cela rejoint très largement l'univers de l'enfance, et Gaiman semble préférer nettement le rêve à la réalité, la vie réelle est fade, le rêve offre une tentation bien plus grande malgré ses dangers. Il suffit de lire Mr Punch ou Neverwhere: le jeune garcon dans Mr Punch se rassure à voir le spectacle qui est pourtant effrayant, il est plus rassuré par le songe et la magie que par la réalité, parce que le songe ne ment pas contrairement au monde des adultes. On a la un beau paradoxe, non?
    Donc en fait, Gaiman essaie de renouer avec l'esprit des contes de fée d'antan qui étaient quand même nettement moins édulcorés que les versions disneyiennes et autres qui nous sont proposés. Et puis cela rejoint un peu Alan Moore, qui souvent montre combien nos vies sont conditionnés par nos peurs, nos angoisses et nos petites mesquineries... Et quoi de mieux pour démontrer cette attitude que de parler du Rêve, l'endroit où le masque tombe et ou les pulsions et désirs sont révélés. Mais l’esprit de Gaiman diffère de celui des contes d'antan. Gaiman fait une liaison avec le réel, toujours. Les contes démarrent déjà dans un univers onirique, avec ses règles bien précises. Les contes contiennent une morale que l'on peut transposer dans la vie réelle. Les contes nous ramènent à la réalité, rien ne s'échappe du rêve sauf cette morale. Chez Gaiman, outre le fait qu'il n'y a pas de volonté moralisatrice, le but n'est pas de revenir a la vie réelle, puisqu'on l'a quittée pour quelque chose d'infiniment plus vaste. Et surtout, le rêve contient la réalité et pas l'inverse, qui etait plutot le credo des conteurs de l'epoque.


    Pour résumer, l'univers de Sandman, et par extension celui de Gaiman en général, possède les particularités du rêve: magie, croyances, symboles... Une sorte de conte de fées un peu cruel, où le rêve englobe la réalité, souvent triste, mais ne l'efface jamais totalement. Un univers riche, où se cotoie dieux, mythologies, gardiens des rêves, des désirs, de la mort, démons... et humains.


Et après lecture...



Images Copyright © Gaiman / MacKean / Pratt / Craig Russell / Wagner / Jones / Dringenberg / Jones III / Giordano - Delcourt 2003

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