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interview accueil interview Dracula - Interview d'Hippolyte par cubik Interview d'Hippolyte, scénariste et dessinateur de Dracula à l'occasion de la sortie du premier tome, chez Glénat dans la collection Carrément BD.
Interview réalisée par cubik.
- Tout d'abord, est-ce que vous pouvez vous présenter un peu? Quel a été votre parcours pour arriver à la bd?
Hippolyte: Comme la majeure partie des dessinateurs de bd, j’ai toujours dessiné, sans pour autant être un Mozart du dessin, mais disons que l’image m’a toujours attiré. Tout d’abord comme un pur plaisir enfantin, puis subissant ce dur passage de la représentation académique où il fallait « faire comme » … donc premiers recopiages de Lucky Luke et autres personnages de Comics américains.
Après le lycée, j’ai donc décidé de m’inscrire dans une école de dessin, et je me suis retrouvé aux Beaux-arts de Versailles … que j’ai arrêté après six mois de fiestas et un compte en banque en berne. Redirection parentale l’année suivante à l’école Emile Cohl, école privée d’illustration et de dessin animé à Lyon, où j’ai enfin pu apprendre toutes les bases du dessin (modelage, anatomie, perspective, etc.) aux côtés de profs aussi prestigieux et essentiels que Lax, Got, Nicollet ou Maja. Une fois diplômé, j’ai commencé à travailler en illustration pour des marques de snowboards puis pour l’illustration jeunesse (Nathan) et la presse (Le Monde, Nouvel Obs., etc.) avant de m’orienter vers la bd.
- Votre première bd s'appelle Monsieur Paul. Vous pouvez la présenter un peu?
H.:C’est un album que j’ai réalisé suite à une belle rencontre à Angoulême avec Alain Beaulet (l’éditeur de Monsieur Paul), à qui j’avais présenté mon travail simplement pour avoir un avis, et qui finalement m’a plus ou moins donné carte blanche sur un album pour me lancer dans la bd.
Une certaine fierté s’est donc emparée de moi quand j’ai découvert son catalogue qui regroupait des noms aussi prestigieux que Dupuy-Berberian, Avril, Hyman, Munoz ou encore Tardi.
J’ai donc débuté cet album sans pression de temps et sans avoir d’idée précise de ce vers quoi je voulais aller. Et au final, cela donne un petit roman graphique auquel je suis maintenant assez attaché.
- C'est également une bd faite à la carte à gratter ?
H.: Oui, tout est fait à la carte à gratter sur le même principe que Dracula, mais cela n’est pas systématique, et je pars du principe que le style doit s’adapter à l’histoire.
- Vous dites que le style doit s'adapter à l'histoire. Puisque vous venez d'enchaîner 2 bd en carte à gratter, est-ce que l'inverse est aussi vrai, c'est à dire que vous choisissez l'histoire en fonction du style que vous avez envie de pratiquer à un certain moment?
H.: Pour Dracula cela c’est plutôt fait de cette manière en effet. J’avais envie de réaliser un bel album en carte à gratter, avec de belles atmosphères et des éléments très graphiques, mais toujours avec le souci que cela colle au récit. Je ne ferai pas de la carte à gratter pour n’importe quel récit.
- Monsieur Paul et Dracula sont tous les 2 dans un format carré. C'est un format que vous proposez vous-même aux éditeurs ?
H.: Non, c’est simplement un concours de circonstances, la seule contrainte que j’ai eue chez Alain Beaulet et chez Glénat, était le format (carré donc) et le nombre de pages, après j’étais totalement libre. Après je ne sais pas si je ferai de ce format un sacerdoce, mais en tout cas c’est un format qui me plait bien, que ce soit pour un livre d’illustration ou une bd, je trouve que cela amène un côté objet au livre qui n’est pas forcément désagréable…
- Dracula vient donc de sortir dans la collection Carrément bd. Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette collection ?
H.: Un peu par hasard en fait. J’avais décidé de me lancer dans la bd et de présenter quelques planches à Angoulême. J’ai donc réalisé trois planches sur Dracula que j’ai montré à Casterman et aux Humanos, qui semblaient tout deux intéressés, enfin surtout Casterman.
Puis deux semaines plus tard, Didier Convard, qui venait de passer directeur de collection de la Loge Noire chez Glénat, m’a contacté après avoir vu mes planches et m’a proposé un contrat assez alléchant que je n’ai pu refuser. Ensuite, vu mon style graphique, il est apparu aux gens de chez Glénat que j’avais peut-être plus ma place dans la collection Carrément Bd, qui privilégie des approches graphiques différentes, que dans la Loge Noire.
- Apparemment, vos planches ont fait sensation auprès des éditeurs. Est-ce que ces derniers vous ont déjà demandé ou même proposé de nouveaux projets ?
H.: Ils m’ont proposé d’autres adaptations à réaliser dans la collection Carrément Bd, mais plus pour me donner des idées qu’autres choses. Je ne peux pas trop en parler pour l’instant car rien n’est fait mais en tout cas ils semblent intéressés pour continuer dans les adaptations. Après, il faut voir si je me destine à être un adaptateur de grands livres en bd ou si je m’essaie à un scénario plus personnel. Mais bon, il y a tellement de grands livres à adapter…
- Votre parcours pour vous faire éditer semble étonnamment simple et presque facile. Est-ce que ça l'a été autant que ça le semble ?
H.: Ben oui en fait ! A partir du moment où j’ai décidé de faire de la bd, il s’est écoulé très peu de temps avant que je signe mon premier contrat. Ce qu’il faut voir aussi, c’est que j’arrive dans un moment où la bd a le vent en poupe, et où certains éditeurs ont peut-être besoin de se replacer sur un terrain plus novateur. Je ne pense pas que Glénat m’aurai signé il y a cinq en arrière...
- Dracula est une histoire qui a été revisitée souvent. Pourquoi avoir voulu reprendre cette histoire là ?
H.: Déjà parce qu’elle se mariait très bien avec les atmosphères que je souhaitais développer à ce moment là, ensuite parce que si elle a été souvent revisité, elle n’a jamais été vraiment adapté littéralement, et plutôt que de faire un avatar de Dracula, j’ai préféré revenir à la source, qui est à mes yeux le premier grand roman gothique et un formidable livre d’aventures.
- Dracula est en majeure partie fait en carte à gratter. Comment avez-vous choisi cet outil plutôt qu'un autre pour cet album ?
H.: Tout d’abord c’est un outil que j’utilise depuis quelques temps et qui permet de réellement créer une « atmosphère », donc il s’est imposé de lui-même pour cette album.
- Dans Dracula, vous utilisez également de la peinture ou du fusain. Le mariage de différentes techniques de dessin est quelque chose qui vous intéresse ?
H.: Mes gros chocs picturaux en bd furent le « bibendum céleste » de De Crécy et l’œuvre de Dave Mc Kean, où, au fil de l’histoire les techniques se mélangeaient et créaient une richesse autant visuelle que narrative. Ce fut donc une influence non négligeable sur mon travail et une envie de longue date de faire un album de cet acabit. En plus, cela permet de créer des cassures dans le récit, obligeant le lecteur à s’arrêter sur des moments singuliers de l’histoire : rêves, images fortes, changements de lieux ou de supports narratifs. Le tout étant de ne pas briser l’homogénéité plastique de l’album mais de l’enrichir.
- Dave Mc Kean a été une de vos influences. Etant donné que vous serez probablement tous les 2 à Angoulême cette année, allez-vous essayer de l’approcher ?
H.: Si j’en ai l’occasion, sûrement !! C’est aussi lui qui réalise l’affiche pour le festival du court-métrage de Clermont-Ferrand cette année, j’aurai donc sûrement beaucoup plus de chances de le rencontrer tranquillement à cette occasion, puisqu’une exposition lui sera aussi consacrée (enfin normalement..). En tout cas c’est vraiment quelqu’un d’énorme pour moi, qui joue sur tous les tableaux avec beaucoup de réussite et sans jamais faire de compromis. C’est vraiment un modèle pour toutes ces raisons.
- Vous espérez trouver un jour "votre" Neil Gaiman (NDR : scénariste qui travaille régulièrement avec Dave McKean)?
H.: Qui sait ? Peut-être qu’une fois terminée le cycle de Dracula, des propositions intéressantes arriveront, ou alors de belles rencontres… Mais je vais laisser le temps faire les choses, on verra bien.
- Bien que Dracula soit une histoire plutôt "grand public", du fait de l'utilisation de la carte à gratter, du format de la bd et de la collection dans laquelle parait Dracula, j'ai un peu l'impression qu'on considère votre travail comme étant décalé, pour ne pas dire pointu. Vous n'avez pas peur que les éditeurs ne vous voient également dans ce registre et n'accepte de vous que des projets "à lectorat limité» ?
H.: Même si c’était le cas, cela ne me dérangerait pas, du moment que j’arrive à faire des livres qui me plaisent, et de la manière dont je veux les faire. Je préfère cent fois préserver ma liberté picturale et vendre peu (enfin un peu quand même !), plutôt que d’essayer de faire un produit marketing plus stéréotypé pour espérer des droits « énormes »… La chance que j’ai est d’avoir signé chez Glénat, et mon album, même si il a un côté qui peut sembler « élitiste » (je n’aime pas trop ce mot mais bon), sera quand même bien mis en place, contrairement à ce que pourra faire un petit éditeur … malheureusement d’ailleurs.
- A part la suite de Dracula, quels sont vos projets ?
H.: Pas mal d’autres choses en fait… Tout d’abord une « Bd Jazz » sur Marlène Dietrich éditée par Nocturne et France Inter, ensuite un projet de court-métrage d’animation qui est écrit et story-boardé et qu’il ne reste plus qu’à animé, et puis d’autres projets d’albums que je commence à développer, notamment certaines adaptations « dantesques », mais faites cette fois ci avec plus de libertés dans le propos…
- Vous n'avez pas peur que vos adaptations "dantesques" ne vous cantonnent dans un rôle d'adaptateur de grands livres ?
H.: Citez-moi un auteur qui n’est pas cantonné dans un rôle précis, tout ceci est normal, les gens ont besoin que l’on colle des étiquettes, c’est plus facile pour savoir si on adhère ou pas au produit, ou pour dire : « ah non, ça c’est pas mon genre …». Alors non je n’ai pas peur de ça, le jour où j’aurai l’impression de m’essouffler, je changerai mon fusil d’épaule. Mais pour l’instant, l’idée d’adapter des livres en apportant une touche graphique spécifique à chaque fois, me donne plutôt des ailes … imaginez Don quichotte en peinture à l’huile au couteau, ça fait plus envie que pitié non ?
- Apparemment, vous aimez bien pratiquer plusieurs disciplines en parallèle (illustration, animation, bd...). Qu'est-ce que vous apporte chacune de ces disciplines ?
H.: Le fait de pratiquer plusieurs disciplines permet de ne pas s’endormir sur ce que l’on fait, si je ne faisais que de la bd, j’aurai peur de m’enfermer au bout d’un moment. En plus cela implique de s’intéresser à tout ce qui se fait en illustration, presse, animation, bd, cinéma, photo et à se remettre en question tout le temps d’un point de vue graphique, narratif et plastique. Chaque médium a beaucoup à apporter aux autres, le cinéma se nourrit de la bd, qui se nourrit de la peinture, qui se nourrit de l’illustration, et inversement. Il est donc à mon avis vital d’être ouvert à tout, et de toucher un peu à tout pour continuer à avancer…
- Lisez-vous beaucoup de bd ?
H.: Très peu en fait, je regarde par contre beaucoup ce qui se qui se fait au niveau graphique. Mais bon si j’ai lu 4 bd cette année, c’est bien le max … il doit y avoir Bouncer, Cages, Persépolis et Maus, bon c’est pas les pires, mais il faudrait que je me force à lire des albums qui ne m’attirent pas visuellement.
- Votre site Web ouvre bientôt ces portes. Est-ce pour vous une nouvelle discipline graphique sur laquelle travailler ? (http://www.hippolyteartwork.com)
H.: Complètement, il y a beaucoup de choses à faire dans ce domaine aussi. Puisqu’en dehors de l’aspect graphique (le graphisme Internet, si il a beaucoup pioché dans les codes préexistants, a aussi le mérite d’avoir amener une certaine fraîcheur, limite « fashion », à l’illustration, au graphisme classique et à la mise en page), il faut aussi compter avec tout ce côté animation Flash dynamique, les sons et surtout ce côté narratif que peut avoir un site web. C’est donc un medium qui regroupe beaucoup d’éléments qu’il faut savoir dompter sans tomber dans le duplicata systématique. Pour mon site, j’ai donc essayé de trouver une symbolique et une petite histoire au travers de laquelle se promener pour découvrir les différentes parcelles de mon travail.
- Pour l'instant, vous avez toujours travaillé seul. C'est par choix ou manque d'opportunité ?
H.: C’est plutôt par choix, car j’ai cette fâcheuse tendance à tout vouloir faire seul, contrôler le maximum de choses, et puis j’ai vraiment des idées très précises sur ce que je veux faire donc pour l’instant je n’ai pas besoin d’être aiguillé par un scénariste, enfin je n’en ai pas envie plutôt. Mais bon, personne ne m’a jamais proposé de scénario incroyable non plus, donc je ne sais pas… Ça s’est fait comme ça voilà tout, et comme je suis assez pressé je n’ai pas attendu qu’on sonne chez moi pour monter des projets.
Merci pour tout.
Interview réalisée par mails entre le 19/10/2003 et le 24/10/2003
Images Copyright © Hippolyte - Glénat 2003
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